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Qui veut la peau de l’AEFE ?

Un article publié le 9 juin 2020 sur lesfrancais.press pointe une mauvaise gestion des lycées français à l’étranger par l’AEFE, dont la communication est jugée limitée. Cet article, au-delà de nombreuses coquilles, recèle de nombreuses approximations, voire de contre-vérités. Dans une période où l’agence est attaquée de toutes parts, il semble important d’apporter quelques clarifications.

Quand mes yeux tombent sur l’article en question, je me dis qu’il va globalement reprendre les informations d’un article publié le 8 mai 2020 sur le site d’information Atlantico, sous le titre « L’organisme de gestion des lycées français de l’étranger accusé de « gestion opaque » et de « concussion » », article ayant donné lieu à un droit de réponse de la part de l’AEFE. En fait, en plus de relayer les propos de l’article d’Atlantico, l’auteur élabore, à l’aide d’un malhabile mélange de tout et de n’importe quoi, un curieux plaidoyer contre l’agence. En plus d’être apparemment mal informé, il ne cherche apparemment pas à pousser son sujet jusqu’à chercher à connaitre la justification de ce qu’il dénonce, de la part de ceux dont il met les intentions en doute.

Sur la mauvaise gestion…

Dans son article, l’auteur, un certain Fabien Ferasson, évoque une mauvaise gestion des établissements, débutant par une citation du droit de réponse de l’AEFE :

« L’AEFE rappelle qu’elle n’a aucune responsabilité en termes de gestion et de décision qui relèvent des comités responsables des établissements avec lesquels elle signe des conventions. »

Puis, comme si cela suffisait à appuyer son argumentaire, il déroule les situations litigieuses : l’argent des parents d’élèves du Panama a disparu, même chose à Caracas, l’évaporation du budget de Lima… Si ça continue, avec des titres comme ça, Tintin va reprendre du service. À part pour appuyer le titre de l’article « avis de tempête… », la juxtaposition de ces situations semble fallacieuse.

Responsabilités

Tout d’abord, comme l’indique l’AEFE, l’agence et ses représentants dans chaque établissement conventionné, proviseur en tête, ne sont pas responsables de ce qui relève des décisions des conseils d’administration, que l’on appelle, selon les établissements, comité de parents, comité de gestion, board, etc. Ce sont ces conseils d’administration qui ont la responsabilité de la gestion et du vote des budgets. Le chef d’établissement, la partie AEFE, donc, est bien entendu associé à cette gestion. Lui-même et le directeur administratif et financier ont la responsabilité de préparer le budget, relayant les souhaits des conseils d’établissement et des conseils d’école, tout en s’impliquant sur les sujets de politique générale de l’établissement (l’évolution des tarifs, des salaires, et la carte des emplois). Ils éclairent l’organisme gestionnaire (comprenez le comité de parents d’élèves) sur les choix à faire.

Pour résumer, c’est l’organisme gestionnaire, en conseil d’administration, qui prend les décisions, sur conseil et sous l’éclairage du chef d’établissement dépendant de l’AEFE, relayant les décisions des différents collèges.

Pourquoi, donc, insinuer que les dysfonctionnements rapportés par M. Ferasson seraient le fait de ces salariés de l’AEFE ? D’autant plus que, dans certains établissements, comme au « Francopé » de Lima, il existe une double direction : celle liée à l’AEFE, avec Proviseur, proviseur adjoint, directeur administratif et financier, et une autre, une direction locale, pouvant faire fonction de directeur pédagogique pour les équipes locales, mais aussi d’intermédiaire avec les autorités et avec les contractants éventuels. Ce sont eux qui, dans ce cas, ont des missions telles qu’obtenir un permis de construire et de signer des contrats avec des entreprises locales. Dans le cas du lycée franco-péruvien de Lima, d’ailleurs, la démission immédiate et irrévocable de l’ex-directrice péruvienne a été demandée par les enseignants et par les parents, organisés en syndicat ou non (communiqué), dénonçant un climat brutal au sein du personnel et de nombreuses irrégularités mettant en danger l’avenir de l’établissement. Et ils l’ont obtenu.

Que cherche-t-on à obtenir, quand on parsème son article de sous-titres tels que « Mauvaise gestion des établissements ? » Quand un journaliste place un tel point d’interrogation, c’est pour mieux répondre à la question qu’il pose. S’il ne le fait pas, c’est qu’il cherche à insinuer sans preuve. L’insinuation n’a pas sa place sur une plateforme qui se veut informative. Avec des points d’interrogation, on peut insinuer beaucoup de choses. Une bonne gestion des établissements ? L’homme a marché sur la lune ? Le Petit, le grand nom du camembert ?

Sur la chasse aux sorcières…

L’auteur s’émeut ensuite d’une soi-disant chasse aux sorcières contre certains parents d’élèves.

Ainsi au lycée français de Shanghai, où une charte émise avec le consentement de l’agence explique « le bon usage des médias sociaux ». La culture chinoise a inspiré la direction de l’établissement ! Cette dernière explique que ce document permettra de réguler  « l’usage de toutes les formes de réseaux sociaux qui permettent aux membres de la communauté d’échanger : WeChat, LinkedIn, Facebook, What’s App,… » Un texte digne du PC chinois , que les parents d’élèves sont évidemment tenus d’approuver :

« La signature de ce document au moment de l’inscription ou de la réinscription de votre enfant constitue un engagement en tant que parents et/ou tuteurs de l’enfant ». Les parents s’engagent ainsi à « ne pas poster des plaintes à caractère personnel sur les réseaux sociaux, ne pas publier des commentaires sur des membres de la communauté du lycée français de Shanghai – parents, élèves, personnel pédagogique ou administratif – ou des groupes de membres de cette communauté et/ou leurs photos, qui pourraient être perçus comme étant négatifs, dénigrants ou embarrassants ».

Il est très étonnant que l’auteur ne cherche même pas à identifier les raisons qui ont pu mener à ce type de mesures. Est-ce délibéré, ou bien l’auteur montre-t-il là sa méconnaissance du sujet qu’il traite ?

Dans le contexte de tensions que traverse l’AEFE – tensions qui ne peuvent qu’être exacerbées par la lecture de ce genre d’”articles” – de nombreux établissement ont rencontré, cette dernière décennie, un nouveau problème : la création de nouveaux espaces de discussion sur les réseaux sociaux. Non pas que l’existence d’espaces de discussion soit un problème en soi, mais, conjugués à des situations conflictuelles, ils ont pu mener à des campagnes de calomnie, voire, de diffamation en ligne. Des attaques ad hominem ont pu être lancées et relayées, contre les équipes administratives, mais aussi, souvent, contre les professeurs. Bien entendu, ces situations restent rares, mais les dégâts qu’elles peuvent engendrer restent terribles pour les personnels. Je l’ai vu. Je l’ai vécu et en ai été victime moi-même. Des proches en ont aussi été victimes. Des collègues et des amis ont même vécu des épisodes dépressifs, et tout ce qui peut aller avec, à cause de ce genre d’actes ignobles. Dans certains cas, des membres-mêmes de l’équipe éducative ont pu participer à cela. 

Pourquoi, M. Ferasson, empêcherait-on à quelqu’un, dont on sait qu’il ou elle a calomnié ou diffamé un personnel, de continuer à faire partie de la communauté éducative de l’établissement ? Doit-on vraiment s’en expliquer ? Doit-on préciser que, même si ces actes tombent sous le coup de la loi française, les personnels français ne peuvent facilement se permettre de se lancer dans des procédures légales dans un pays étranger, et qu’ils ont besoin d’un certain coup de pouce par l’amendement d’un règlement intérieur ?

Pourquoi attaquer l’AEFE ?

L’AEFE subit aujourd’hui de nombreuses attaques, mais ce sont surtout, aujourd’hui, les établissements eux-mêmes qui peuvent ressentir cela de manière tangible. Plusieurs déconventionnements ont eu lieu, parfois à la suite de campagnes mensongères, des dires des personnels sur place. Si M. Macron dit vouloir accroitre le nombre d’élèves dans les lycées français à l’étranger, il s’est toutefois bien abstenu de dire comment il allait le faire sans accroitre son budget. Le recours à de nouvelles homologations (un lycée de statut homologué a une gouvernance et un budget locaux uniquement) sera sans doute sa solution. Est-ce la nôtre ? Car ce qui fait la force des établissements conventionnés et en gestion directe par l’AEFE, c’est la stabilité et l’inertie de la structure, qui empêche les établissements de tanguer à chaque coup de vent provenant de l’extérieur, c’est la protection de ses salariés, c’est la conformité avec l’enseignement tel qu’il doit être délivré pour tous les Français. C’est une protection contre les clientélismes, contre une école à la carte, contre les ingérences extérieures, c’est la garantie d’un enseignement laïc. Pour toute campagne de dénigrement contre le réseau, il faut avoir à l’esprit ce qu’il y a à y gagner, et, surtout, ce qu’il y a à y perdre.

AL

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